Façonnée par les cultures du monde, Anne de Giafferri s’impose comme une autrice-réalisatrice plurielle dont le parcours est marqué par le goût de l’exploration formelle, l’attention au réel et une écriture sensible.
Depuis plus de vingt ans, elle invente des manières singulières de raconter les histoires de notre temps, en croisant les langages du cinéma, de la radio, de la littérature et des arts visuels.
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Un parcours en constellation
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Formée d’abord aux mots et aux livres, Anne commence sa trajectoire dans l’univers de l’édition littéraire, travaillant aux côtés de maisons telles que Flammarion, Ramsay ou Rizzoli. Cette expérience de la langue et du texte nourrit chez elle une exigence d’écriture qui ne la quittera jamais. Mais très vite, elle déplace cette sensibilité vers le champ sonore et radiophonique. À France Culture, où elle sera productrice déléguée pendant près d’une décennie, elle réalise de nombreuses créations – documentaires, reportages, carnets de voyage, portraits d’écrivains et artistes. Sa voix singulière se déploie dans des émissions emblématiques : Sur les docks, Surpris par la nuit, Une vie, une œuvre, Tout un monde... Elle collabore aussi avec la RTBF pour des documentaires plus intimes et, aujourd'hui, poursuit cette recherche d'une écriture sonore pour des formes installatives et immersives.
Ce long compagnonnage avec la radio lui permet d’expérimenter une autre façon de raconter le réel : par l’écoute, la vibration, la mémoire des lieux et des voix. Elle y forge un art de la captation sensible, attentif aux silences autant qu’aux paroles, aux bruissements autant qu’aux récits. Cette approche sonore constitue une matrice qui irrigue ensuite toute son œuvre.
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Du son à l’image
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À partir de 2006, Anne franchit une nouvelle étape en réalisant ses premiers films documentaires. Chez moi au loin, tourné entre la France et le Mali, annonce déjà ses thèmes de prédilection : migrations, identités, transmission. Suivent Mauvais Œil, Mauvaises Herbes, Mauvais Rêves, qui explorent le lien entre croyances, traditions et société contemporaine. Avec Théodore Ier, Roi des Corses, elle signe un docu-fiction qui croise mémoire historique et imaginaire collectif.
Ses films connaissent une large diffusion sur France Télévisions, Planète +, ou encore dans de nombreux festivals. Récit d’une tragédie ordinaire (2014) et La Règle du Je (2016) confirment son regard humaniste, attentif aux fractures sociales et aux passages initiatiques. Incertains voyages (2019), consacré aux jeunes migrants non accompagnés, reçoit le prix du documentaire au festival Arte Mare. Un Monde sans contact ? (2021), autour de l’intelligence artificielle, interroge les promesses et les dérives du numérique.
En fiction, elle signe en 2019 le court métrage Les Étoiles brillent aussi la nuit, tourné dans un service psychiatrique avec Romane Bohringer et des patients, qui témoigne de son engagement à filmer des zones de fragilité et d’invisibilité.
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Explorer des formes nouvelles
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Depuis quelques années, Anne développe un travail immersif qui prolonge et transforme son rapport au réel. Son installation Cargo, co-créée avec Christian Delécluse, explore les flux migratoires en Méditerranée à travers une expérience sonore interactive. Lauréate de l’ISEA 2023 (International Symposium on Electronic Art), l’œuvre circule en France et à l’international (Mucem, Scopitone, Institut français, Universciences). Avec Motus et bouche cousue (2024), elle s’intéresse à la notion de secret et propose une écriture spatialisée qui interroge les frontières de l’intime et du politique.
Ces créations hybrides, entre documentaire, art sonore et installation visuelle, témoignent de son goût pour l’expérimentation et pour des formes audacieuses capables de déstabiliser nos habitudes perceptives. Elles traduisent aussi une conviction profonde : les nouvelles technologies et dispositifs peuvent devenir des outils poétiques et critiques pour penser la société contemporaine.
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Une autrice méditerranéenne et internationale
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Si Anne multiplie les terrains – du Mali à l’Ouzbékistan, du Cambodge à l’Argentine – son travail reste profondément traversé par un ancrage méditerranéen. La Corse, la Méditerranée, leurs légendes, leurs rites, leurs circulations humaines et culturelles, constituent une source constante d’inspiration. Ses films et ses créations donnent à voir et à entendre cette mer comme un espace de passages, de mémoire et de conflictualités, mais aussi comme un territoire sensible, nourri de traditions et de métissages.
Cette identité méditerranéenne ne s’oppose pas à l’ouverture, elle en est le moteur : en voyageuse, Anne a construit une œuvre internationale, diffusée dans de nombreux festivals, musées et lieux d’exposition en Europe, en Afrique du Nord et au-delà. Résidences, tournages et projets l’ont conduite en Algérie, en Italie, en Argentine, en Nouvelle-Zélande, en Ouzbékistan ou à Tahiti. Elle revendique cette circulation comme une manière de décentrer le regard et de croiser les cultures.
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Collaborations et reconnaissance
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Au fil des années, Anne a travaillé avec des producteurs et diffuseurs de premier plan (Cinétévé, France Télévisions, France Culture, RTBF), mais aussi avec des institutions culturelles, musées et festivals (Mucem, La Villette, Fipadoc, Scopitone, Les États généraux du film documentaire, Arte Mare). Ses œuvres sont programmées à la télévision, en festival ou dans des lieux d’exposition, confirmant la diversité de ses formats et sa capacité à toucher des publics variés.
Elle est administratrice de la SCAM et membre de la commission sonore depuis 2023.
Elle intervient dans des programmes d’éducation à l’image, dont actuellement Les Enfants des lumières du CNC, partageant son expérience avec les jeunes générations.
Une écriture sensible et engagée
Au cœur de cette trajectoire plurielle, une cohérence se dessine : un rapport exigeant au réel, une écriture sensible, un regard humaniste et social. Anne choisit des sujets où l’intime rejoint le collectif : l’enfance et l’école, la migration, la maladie mentale, la mémoire des traditions, les bouleversements technologiques. Ses films et créations interrogent la place de l’humain dans une société en mutation, sans jamais céder au discours convenu ou didactique. Elle travaille par proximité, par attention aux voix singulières, par mise en lumière des zones fragiles ou marginales.
Son originalité tient aussi à sa capacité à passer d’un médium à l’autre sans perdre sa cohérence. Des terrains d'expression artistique qu’elle habite avec une même exigence de justesse et une même volonté de créer des espaces d’écoute et de réflexion.
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Perspectives
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Aujourd’hui, Anne poursuit ses recherches en direction des écritures immersives et interactives, notamment avec des projets VR et multicanaux. Elle continue également à développer des scénarios de fiction et de documentaires, toujours en lien avec son goût pour l’expérimentation formelle et son engagement humaniste.
Sa trajectoire dessine ainsi le portrait d’une créatrice exigeante et singulière, capable de fédérer des partenaires institutionnels et artistiques autour de projets ambitieux. Mais aussi celui d’une passeuse sensible entre art et société, attentive à la résonance intime des récits qu’elle choisit de porter.